Le choc des codes

Lorsqu’on voyage, on recherche toujours ce moment où l’on sera confronté à ses valeurs, à ses références culturelles ou sociales, on aime sortir de sa zone de confort. Mais cette zone est changeante, du moment qu’on a jeté la lumière sur l’inconnu, elle ne nous fait plus peur et ne s’appelle plus «zone d’inconfort».

Plus les voyages s’accumulent, plus mes perceptions changent et je réalise que je me sens rapidement à l’aise dans un nouvel endroit. C’est presque décevant parce que j’aime me sentir dépaysé! Je connais maintenant bien les codes de l’Asie du Sud-Est. Les coqs qui se promènent dans les grandes villes, les marchés cacophoniques, la circulation en apparence chaotique mais relativement organisée, les klaxons incessants, les odeurs fortes, les moyens de transport, les saveurs aigres-douces, tout ça, avec le temps, c’est devenu une extension de mon chez-moi.

Vietnamienne, champs de riz

Mais le Vietnam, c’est un pays particulier. Je me souviens, quand j’y suis venue il y a 5 ans, certaines choses m’avaient dérangée. Je pensais que c’était parce qu’il s’agissait de mon premier voyage sac au dos et que ma vision aurait désormais changé. Pourtant, je retrouve ces irritants et je les observe mi-amusée, mi-agacée. «Ah! Oui! C’est ça qui m’avait énervée!» Les gens ici ont un code de communication complètement différent de ce que je connais. Et ça, ça me sort de ma zone de confort!

Quand j’écoute parler leur langue qui déjà, n’a aucune sonorité familière, je tente de décoder ce qu’ils disent par leur non-verbal, leur ton de voix, leurs expressions faciales. Par exemple, il y a quelques jours, nous sommes partis de Hanoi – la capitale – pour Ninh Binh un peu plus au sud, en autobus public, pour ensuite nous rendre vers Tam Coc, le petit village d’où on peut faire une multitude d’activités dans cette magnifique région. On a prit un taxi pour le dernier segment, on lui a indiqué sur notre GPS l’hôtel et il a semblé avoir vaguement compris où il devait nous emmener. Rendu au village, il s’est stationné devant un restaurant où une dame était dehors, l’a hélée et selon moi, lui a demandé s’il était au bon endroit. Aucun sourire n’a été échangé, la discussion s’est fait en parlant fort, sans chaleur dans le ton. Ma traduction libre c’était :

– (Bonjour) Savez-vous où est l’hotel XYZ?

– Non, jamais entendu parler! a répondu la dame en le fixant d’un regard mauvais.

– Vous êtes sûre? Ça ne doit pas être bien loin… C’est pas très grand ici! De dire le chauffeur en s’impatientant.

– Ah ouais? Non, je vois pas! Va demander à quelqu’un autre!

J’ai dit à Jérôme : voyons, un village de quelques centaines de personnes et elle ne sait pas où c’est?!

Puis le chauffeur de taxi est sorti, il m’a ouvert la porte et m’a pointé la dame.

– C’est ici?! Ai-je demandé, incrédule!

Ben oui! On était rendu. Alors comment j’ai pu interpréter cette discussion quand dans les faits, il parlait avec la propriétaire de l’hôtel?

Elle nous a accueilli avec un grand sourire et s’est avérée être très gentille.

Les gens ne parlent pas bien l’anglais au Vietnam (ou en Asie du Sud-Est en général) et ça rend le langage des signes vraiment important. Voilà pourquoi c’est confrontant quand on ne se rejoint pas, même dans ce code-là. Les vietnamiens ne sourient pas à outrance, comme les thaïs ou les indonésiens. Ils sont nonchalants. Et mon défi, c’est de ne pas le prendre mal! D’accepter que je suis chez eux, et que dans leur pays, c’est comme ça qu’ils fonctionnent. C’est la partie où la zone de confort doit devenir autre chose. En toute honnêteté, je ne pourrai jamais être à l’aise dans ce code, je pense. C’est trop loin de mon code à moi. Mais je peux être plus souple dans ma façon de le recevoir.

Eloise dans un temple bouddhiste

Autre confrontation majeure, dans le Nord, ils mangent du chien. Le meilleur ami de l’homme. Je suis la grande amie des animaux, je mange le moins de viande possible, alors manger un chien, c’est un concept que je trouve très dérangeant.

L’autre jour, on cherchait notre hôtel et nous devions traverser un marché, situé sur la même rue. Le premier étal sur ma droite vendait de la viande. J’ai senti mon instinct me dire de ne pas regarder et la scène s’est alors déroulée au ralenti. J’ai mis quelques nano-secondes à comprendre ce que je voyais, puis j’ai regardé Jérôme qui était encore en train d’analyser les données et j’ai vu apparaître la stupéfaction dans son visage figé.

Il s’agissait d’un chien, sans peau, sur le dos, les 4 pattes sanglantes en l’air, ouvert sur le sens de la longueur, ses boyaux exhibés dans un bol à côté de lui. Puis plus, loin, des têtes de chiens tranchées, les babines relevées nous fixaient de leurs yeux morts. La nausée m’a prise et j’ai accéléré le pas et essayant de repérer les marchands de fruits pour reposer mes yeux traumatisés.

À quelques pas de là, un resto affichait Pho Cho. J’adore la pho ga – tonkinoise au poulet, ou bo – au bœuf. Mais cho? J’ai dit à Jérôme : gages-tu que ça veut dire chien?

Tonkinoise

Il y a des avantages à apprendre quelques mots d’une langue étrangère lorsqu’on voyage. Les 3 touristes assises dans le bouiboui ne s’étaient probablement pas posé la question… Et pourtant, j’avais vu juste. Cet endroit servait du chien en soupe.

Je sais que même au Vietnam, tout le monde ne mange pas de chien. Je pense que c’est un débat aussi à l’intérieur du pays. Il faut accepter cette réalité sans la juger mais j’avoue que j’ai trouvé ça très choquant de voir les cadavres exhibés sur les tables de boucheries. J’ai hésité à mettre une photo et je l’ai mise à la toute fin de cet article. Cœurs sensibles, s’abstenir de descendre au bas de cette page.

On vient de passer de très belles journées dans la province de Ninh Binh, aussi appelée la Baie d’Halong terrestre. D’immenses monolithes jonchent les rizières inondées alors qu’une rivière slalome entre ces rochers. On s’est promené à pied, à vélo, à moto et en bateau. Le soleil est sorti comme nous quittions la rive! Il n’avait pas brillé depuis si longtemps, j’étais au comble du bonheur! Les couleurs sont devenues plus vives, l’air s’est réchauffé, et l’endroit déjà impressionnant est devenu sublime.0a2a0652001

Je suis présentement dans le bus, en direction de Sapa. Jérôme tient à faire une excursion en moto sur la limite de la frontière chinoise. La boucle de Ha Giang. Il paraît que c’est hors des sentiers battus (ce qui est denrée rare maintenant au Vietnam) et que c’est magnifique. On prie pour une météo clémente, il peut faire très froid en altitude à ce temps-ci de l’année. Mais si la tendance se maintient, on devrait avoir du beau temps!

Sinon, j’ai un beau poncho en plastique style sac à poubelle qui fera de formidables photos de voyage!

Tam Coc, Eloise et Jerome

Vietnamien, Tam Coc
Un vietnamien dans le village de Tam Coc, province de Ninh Binh, Vietnam. Photo: Jérome Hof

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Chiens morts, Vietnam du Nord
Étal de chiens, Ninh Binh

 

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4 commentaires Ajoutez le vôtre

  1. Jacques Blain dit :

    Bonjour à vous deux, très apprécié ton récit et vos photos…contenu qui invite au renforcement de la tolérance et de l’humilité. MERCI.

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    1. Éloïse dit :

      Merci Jacques! Comme dirait le Dalaï Lama, c’est la compassion qui sauvera l’humanité! 😉

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  2. Edith laramée dit :

    Magnifique description du voyage !!!! Les photos sont magnifiques!!! Sauf celle des chiens …..mon amie qui a vécue 3ans en Inde et qui a vu l’Asie au complet, elle m’a raconté qu’au Vietnam..elle a probablement mangé du chien sans le vouloir !!!!! Beurk !!! Dégueulasse !!!

    Merci encore !! J’aime beaucoup vous suivre !! 🙋🏼

    Edith 🌸Amoureuse de la vie 💖 !!! 🙋🏼Envoyé de mon iPad

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    1. Éloïse dit :

      Merci Edith pour ton mot! C’est toujours agréable d’avoir un feed-back 🙂 Ouais, le chien, c’est dur à accepter pour nous…! Et souvent, on ne sait pas ce qu’on mange, donc c’est probable aussi que j’en aie mangé malencontreusement. Je préfère ne pas y penser!
      Bisous!

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