Je me sens un peu triste aujourd’hui. C’est un truc que je connais depuis ma rupture, parfois, la mélancolie me prend sans que je ne la vois venir. Elle est comme une ombre large qui s’étend sur moi et je ne sais pas comment la tasser. Je propose à Antoine d’aller marcher à la pause d’après-midi.
Nous marchons donc jusqu’au quai du village, où le vent fait fouetter les vagues du St-Laurent contre le béton grugé par l’eau. On fait davantage connaissance et je lui parle de ma rupture. Sa réaction de stupéfaction me fait réaliser à quel point ce que j’ai vécu comme trahison et comme épreuve n’a rien de banal. Il me complimente sur ce que j’apporte au groupe par mon énergie et mon leadership.
Je n’ai jamais été douée pour reconnaitre mes forces, ni pour les entendre. Je te parlais de paradoxes humains il y a quelques jours, en voilà un qui me surprendra toujours. On a tous besoin de reconnaissance mais on ne s’en donne presque jamais et quand on en reçoit, on s’en défend comme si c’était une attaque.
Je me souviens une fois, une femme m’avait fait un compliment semblable et j’avais répondu en me justifiant que j’étais comme ça grâce à ma mère qui avait un si beau dynamisme! Et elle m’avait pris par les épaules pour m’arrêter et me dire : le compliment, c’est à toi que je le fais, pas à ta mère!
Je suis donc plus consciente de cette mauvaise habitude et je décide de recevoir le compliment d’Antoine au lieu de m’en défendre. D’entendre que ma présence fait du bien au groupe, alors que je me suis trouvée si déprimée ces derniers temps me montre que ma vraie nature n’a pas été affectée par ma rupture. Je suis blessée en surface mais en vérité, je suis la même personne. Et je ne pourrai jamais me reprocher d’avoir aimé quelqu’un sans retenue, d’avoir été transparente, vraie, authentique. Je suis peut-être triste mais je ne suis pas malheureuse. Il y a un monde de différence.
C’est étrange comme une rupture nous affecte dans notre estime personnelle et comme il est difficile d’évoluer en relations avec les autres quand notre estime est à plat. Je me sens carrément handicapée ces temps-ci. Je deviens paranoïaque et j’ai facilement l’impression de déranger, d’être de trop, de me faire juger à tort et à travers. C’est pas ma version préférée de moi-même! Et une chose que je comprends cette semaine, c’est qu’être impatiente avec moi, tenter de me forcer vers un état d’esprit différent ne fait qu’empirer la situation. Il n’y a qu’une seule avenue saine semble-t-il, c’est accepter où j’en suis et me prendre telle quelle.
Antoine revient sur le thème très récurrent du bouddhisme, la compassion. Il semble que ce soit la fondation à construire si on veut accéder à une vie heureuse. Tout part de soi. Donc il me répète sans le savoir ce que ma sœur me disait avant que j’arrive ici : Aie de la compassion pour toi-même…
Je vais tâcher de l’assimiler, celle-là!